samedi 23 avril 2011

PROCHAINE CONFERENCE LE JEUDI 28 AVRIL

"Ombres et lumières de la politique extérieure mexicaine"  
par Jean-François Boyer



Jean-François Boyer, est un grand reporter spécialisé en Amérique latine et au Moyen-Orient, il a été correspondant en Amérique latine de la chaîne de télévision française TF1. Il a réalisé des documentaires pour la chaîne France 5, Arte, TF1, Canal Plus, et des reportages pour "Envoyé Spécial" (France 2).

Il a écrit notamment  “L´Empire Moon” (El Imperio Luna) en 1986 et « La guerre perdue contre la drogue » (La guerra perdida contra la droga) en 2001.
De 2008 à 2010 il a été directeur de l'édition mexicaine du Monde Diplomatique.

Thème de la Conférence. 


Depuis 60 ans la politique étrangère affichée par les gouvernements successifs du PRI et du PAN n´a jamais (ou très peu souvent) correspondu à la réalité de sa diplomatie. Entre la tentation du non-alignement et celle de l´alignement stratégique sur Washington, elle a toujours été caractérisée par le « double langage ». Plusieurs éléments expliquent cette pratique ambigüe: le profond nationalisme du peuple mexicain; la proximité avec les États-Unis et la dépendance économique du pays par rapport à son voisin du nord; le profil contradictoire des présidents mexicains de cette époque (priistes comme panistes ) plus soucieux de maintenir les grands équilibres politiques internes que de définir une politique extérieure fondée sur des valeurs intangibles.


Conférence en français
 
Alliance Française de Mexico centre San Ángel, à 19:00 heures.


Le texte suivant peut vous servir à préparer la conférence et en discuter avec la classe !

texte de préparation de la conférence sur la politique extérieure du Mexique

Lisez ce texte et répondez aux questions qui suivent :


La « translation » géopolitique du Mexique

(D’après Les conséquences géopolitiques pour le Mexique de la politique états-unienne de Homeland Security Rodrigo Nieto Gomez/ Hérodote quatrième trimestre 2006)

L’appartenance du Mexique aux deux ensembles territoriaux américains - Amérique du Nord et Amérique latine - est incontestable. D’un côté, pour les Mexicains, il n’y a aucun doute : le Mexique est le troisième pays de l’Amérique du Nord, comme on l’enseigne dans les écoles, en accord avec le programme officiel. Il est membre de l’ALENA et, paradoxalement, son identité nord-américaine s’est affermie après les pertes territoriales infligées par les États-Unis au XIXe siècle. Celles-ci ont accentué le sentiment d’appartenance du Mexique à l’Amérique du Nord, avec un regard fixé en permanence sur les territoires perdus. De l’autre côté, le pays s’identifie pleinement à l’ensemble des pays rassemblés sous le vocable « Amérique latine », pour des raisons historiques et culturelles évidentes : entre autres, la langue, la « race », la colonisation, la culture indigène, la religion catholique. Par le jeu des représentations, le Mexique a été capable de redéfinir, non sans tensions, son appartenance à l’un ou l’autre des deux ensembles auxquels il appartient.

C’est ainsi que, durant les sexennats de Luís Echeverría Álvarez (1970-1976) et de José López Portillo (1976-1982), le gouvernement mexicain a construit un discours nettement latino-américain et conforme au climat de l’époque. Il se définissait comme un pays du « sud », du « tiers monde » et « non aligné ». On en veut pour preuve la politique extérieure très active menée par le Mexique en Amérique latine, soutenant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, se solidarisant avec les gouvernements de Salvador Allende au Chili et de Fidel Castro à Cuba, en opposition ouverte à la politique des États-Unis dans la région. Comme le dira Fidel Castro en 1980 : « Mexico a été un des porte-drapeau les plus décidés dans la lutte pour un nouvel ordre économique mondial. Le Mexique a été et reste le représentant des intérêts des peuples de ce qu’on appelle le soi-disant tiers monde. Le Mexique, au sein de l’Amérique latine et de la Caraïbe, est un ami sincère de tous nos peuples, un fervent défenseur de ses intérêts et occupe la tranchée sur des milliers de kilomètres à la frontière même des États-Unis. C’est pour cela, pas seulement en raison de sa politique internationale, mais aussi géographiquement, que le Mexique est en première ligne dans la défense de la souveraineté et des intérêts de nos peuples. » En politique extérieure, le Mexique orientait alors tous ses efforts pour se définir comme un pays qui avait plus à voir avec ses voisins du Sud que ceux du Nord. Son appartenance au « tiers monde » était un motif d’orgueil et, dans les représentations géopolitiques de l’époque, son appartenance à l’Amérique du Nord n’était pas mentionnée.

À la fin des années 1980, l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle élite politique, formée principalement dans les universités états-uniennes, a transformé profondément la relation du Mexique avec le nord et le sud du continent américain. Peu à peu, dans un processus qui n’a cessé de s’approfondir, le gouvernement du Mexique a décidé de mettre de côté les théories du desarrollismo et de la dépendance et de cesser de « résister » au Nord, pour en faire partie.

C’est pourquoi une des singularités de l’abandon généralisé des théories cépaliennes dans l’ensemble de l’Amérique latine est que, au Mexique, l’acceptation du modèle économique libéral s’est accompagnée d’un « basculement » de l’Amérique latine vers l’Amérique du Nord. Ce mouvement fut un acte conscient, destiné à « amarrer » le destin du Mexique à une région économiquement plus performante et avec un niveau de développement beaucoup plus haut, à laquelle il appartenait déjà de facto, sinon de jure.

Nous ne reviendrons pas sur la mise en place du traité de libre-échange. Rappelons seulement que ce « basculement » s’inscrit dans le contexte de la fin de la guerre froide et du début de la « guerre économique ». Cela a eu deux conséquences pour la géopolitique du Mexique, qui ont contribué à son rapprochement de l’Amérique du Nord.

D’une part l’affirmation des États-Unis comme seule superpuissance mondiale a signifié, pour le Mexique et beaucoup d’autres nations, qu’il était plus difficile d’établir les équilibres nécessaires pour faire contrepoids à l’énorme force du « colosse du Nord ». En tout état de cause, à cette époque, le Mexique dépendait déjà largement du marché états-unien, mais l’absence d’un cadre institutionnel assujettissait, année après année, les accords douaniers aux haut et bas de la politique interne états-unienne. D’autre part, dans la représentation de la « guerre économique par blocs » qui se profilait comme substitut à la « guerre froide », l’exemple de l’Union européenne a rendu intéressant la négociation d’un accord de libre-échange entre les trois pays de l’Amérique du Nord. Ce n’est pas un hasard si le traité de Maastricht est entré en vigueur le premier novembre 1993 et l’ALENA seulement deux mois plus tard. [Salinas de Gortari, 2000]. Toutefois, si ce « déménagement » du Mexique vers l’Amérique du Nord eut comme axe fondamental l’intégration économique de la région, on ne peut pas le réduire exclusivement à l’accord commercial.

En ce qui concerne le rapprochement stratégique, l’intégration amena l’armée mexicaine à modifier ses manuels de guerre qui, jusque dans les années 1980, représentaient les États-Unis comme le seul « ennemi naturel » du Mexique [Schulz, 1997]. Militairement, le Nord cessa d’être considéré comme une menace, en ouvrant la voie à la coopération en matière de défense, mise à profit aujourd’hui dans le contexte de la création du périmètre de sécurité. Sans aucun doute, le levier le plus utile pour cette mutation fut le changement dans la manière de se représenter au Mexique, la migration mexicaine vers les États-Unis. Exclue jusqu’alors du discours public, la question migratoire a acquis un poids fondamental dans la nature des relations entre les deux nations. Le gouvernement a fortement inclus cette question dans son discours. En moins d’une décennie, les migrants ont cessé d’être considérés comme des traîtres pour se transformer en héros nationaux. On commença même à parler de la « diaspora mexicaine » afin de gommer la ligne de partage entre les Mexicains et les Mexicains-Américains.

 
- Quelles sont les deux régions auxquelles s’identifie le Mexique ?
- Vers laquelle de ses régions se tourne préférentiellement le Mexique dans les années 70 et quelles sont ses références idéologiques ?
- Quelles raisons sociologiques expliquent le rapprochement du Mexique avec les États-Unis dans les années 80 ?
- Quelles sont les deux avantages économiques du traité de libre échange de 1994 d’après le texte ?
- Quelles sont les changements idéologiques dans la question de l’émigration des mexicains aux États-Unis opérés par les élites mexicaine parallèlement au rapprochement avec les États-Unis ?

Discussion  en classe : Le Mexique oscille toujours entre l’Amérique Latine et les États-Unis. Quelle est la région que le Mexique doit privilégiez à votre avis ? Quels sont les avantages, le réalisme de l’une ou l’autre option ? Les partis politiques mexicains proposent-ils des options claires en vue des prochaines élections ou bien sont-ils divisés. La politique extérieure est-elle un enjeux important des prochaines élections selon vous ? Comparez la politique extérieure du Mexique avec celle du Brésil ou de la Chine ?