Vingt ans après le Sommet de l'ONU dit "Sommet de la Terre" à Rio de Janeiro, un nouveau sommet bilan aura lieu du 20 au 22 juin 2012. Ce sommet bilan est couramment nommé Rio + 20. En réalité, il s'agit de la Conférence des Nations Unies pour le Développement durable.
Pour avoir plus d'informations sur Rio + 20, vous pouvez vous rendre sur le portail électronique dédié à l'événement : Rio+20
Voici un article publié sur le site internet de "France Amérique latine", rédigé le 12 juin à propos de Rio +20. Il s'agit du compte-rendu de la vision d'un écologiste danois, Bjørn Lomborg, très perplexe à l'égard de ce sommet des Nations Unies.
Sommet sans ambition pour planète en perdition
Selon l’« écologiste sceptique » Bjørn Lomborg, pour sauver la planète
il faut d’abord éradiquer la pauvreté. Et, pour ce faire, on doit
recourir aux énergies fossiles. Un véritable pied de nez aux instances
onusiennes à la veille du sommet de Rio.
Le prochain sommet vert des Nations unies à Rio de Janeiro est très
mal parti. Les planificateurs de cet événement gigantesque restent
incapables de s’entendre sur le texte du document final, alors même
qu’il a pour titre : « L’Avenir que nous voulons ». Ce n’est pas gagné.
Depuis une quarantaine d’années, les préoccupations de l’ONU en matière
d’écologie se sont rapprochées des impératifs des riches occidentaux,
s’éloignant à mesure des attentes légitimes de la très grande majorité
de nos contemporains.
Le réchauffement de la planète est une réalité. Brûler des carburants
fossiles produit du C02, un gaz à effet de serre qui réchauffe la
Terre. Les conséquences de ce phénomène peuvent être soit positives,
soit négatives, suivant l’endroit où vous vivez. Il entraînera davantage
de morts en raison de la chaleur excessive, mais une moindre mortalité à
cause du froid. Au Canada, au Danemark et en Russie, un réchauffement
modéré devrait apporter globalement une amélioration, tandis que, sous
les tropiques, même une petite hausse des températures sera sans doute
néfaste. D’une manière générale, vers la fin de ce siècle, ce phénomène
aura des effets négatifs.
L’échec de la stratégie des bonnes intentions
La civilisation moderne, dans presque toutes ses composantes, est
alimentée par les carburants fossiles. Tout le problème est là. Comment
le monde pourrait-il se passer de ces énergies fossiles sans trouver une
énergie de substitution bon marché ? N’oublions pas ce que le sommet de
Rio, en 1992, a produit de plus important : la convention-cadre sur le
changement climatique, laquelle a débouché sur le protocole de Kyoto
(1997). Face au réchauffement planétaire, la stratégie de Rio était
typiquement onusienne : négocions un traité pétri de bonnes intentions
et voyons s’il suffira à résoudre un problème insoluble. Comme il
fallait s’y attendre, il n’en a rien été.
Fondamentalement, le protocole de Kyoto a demandé aux pays en
développement de réduire leurs émissions de C02 soit par une diminution
de la consommation, soit par l’utilisation d’une énergie plus verte,
plus onéreuse. Les modèles économiques montrent que, s’il avait été
intégralement mis en œuvre, l’accord de Kyoto aurait coûté à la planète
environ 180 milliards de dollars [143 milliards d’euros] par an en perte
de croissance du PIB. Pourtant, on n’en attendait qu’une baisse minime
de la température, de l’ordre de 0,004 degré d’ici à la fin du siècle.
Comme on pouvait le prévoir, les différents pays soit ont rejeté le
traité, soit ont accepté des changements mineurs. La diminution des
émissions de C02 a été négligeable. Même l’Union européenne – partisan
le plus enthousiaste du traité – s’est contentée de transférer une bonne
partie de sa production industrielle (et les émissions de gaz à effet
de serre qui en résultaient) vers des pays non couverts par le protocole
de Kyoto, comme la Chine.
Toutefois, la stratégie de l’ONU est restée la même depuis lors. Elle
n’a pas changé lors de la réunion catastrophique de Copenhague (2009),
pas plus qu’au cours du vain rassemblement de Durban, en Afrique du Sud,
l’année dernière. Et les mêmes grands principes vont être énoncés à
Rio.
On entend beaucoup de battage publicitaire autour des « solutions »
antiréchauffement, comme l’énergie solaire et les biocarburants, mais
ces technologies vertes ne sont pas encore la panacée. Tant que l’éolien
et le solaire resteront plus chers que les énergies fossiles et qu’ils
ne fonctionneront que par intermittence, ils ne contribueront pas pour
une large part à notre approvisionnement énergétique.
L’eau et l’électricité, premières préoccupations du tiers-monde.
Pour enrayer le réchauffement planétaire, nous devons encourager
l’innovation en matière de technologies vertes par un accroissement
massif des investissements en recherche et développement (R&D). Nous
n’arriverons à rien tant que nous ne produirons pas une énergie verte
moins coûteuse que les carburants fossiles.
Mais ce qui est peut-être plus important encore, ce qui compte
vraiment pour la plupart des gens, ce n’est ni le réchauffement
planétaire ni les autres questions à l’ordre du jour de Rio+20. Il
existe un décalage profond et inquiétant entre les puissants qui foulent
les épais tapis des instances de l’ONU et les besoins de la majorité
des habitants de la planète.
Tandis que nous réfléchissons à des initiatives vertes, environ 900
millions d’êtres humains restent mal nourris, 1 milliard n’ont pas accès
à l’eau potable, 2,6 milliards ne disposent pas d’un système sanitaire
suffisant et 1,6 milliard vivent sans électricité. Voilà la réalité.
Chaque année, enfin, environ 15 millions de décès – un quart de la
mortalité annuelle totale – sont dus à des maladies que l’on pourrait
soigner facilement, pour des sommes dérisoires.
Quels sont les trois plus importants problèmes environnementaux pour
les pays en développement ? Quand on leur pose cette question, la
plupart des habitants des pays riches répondent à côté. Le réchauffement
planétaire ne fait pas partie de ces problèmes – même si l’on prend en
compte les morts causés par les inondations, la sécheresse, les vagues
de chaleur et les tempêtes. A l’heure actuelle, dans le monde en
développement, seul 0,06 % de la totalité des décès est la conséquence
de ces extrêmes climatiques.
Dans le monde développé, peu de gens savent que la pollution de l’air
à l’intérieur des habitations est le problème d’environnement qui fait
les plus grands ravages dans les pays en développement. Se chauffer ou
s’éclairer d’une simple pression sur un interrupteur nous paraît aller
de soi. Mais, dans le tiers-monde, 3 milliards d’êtres humains n’ont pas
d’autre solution que d’utiliser des combustibles comme du carton ou des
déjections animales pour faire la cuisine ou essayer de réchauffer
leurs habitations. La mortalité annuelle due à l’inhalation de la fumée
de ces feux atteint au moins 1,4 million de morts – ce chiffre est sans
doute plus proche de 2 millions –, la plupart des victimes étant des
femmes et des enfants. Quand on alimente le feu de sa cuisine avec des
résidus de cultures et du bois, la qualité de l’air à l’intérieur des
habitations peut être dix fois plus mauvaise que celle de l’air
extérieur, y compris dans les villes les plus polluées du tiers-monde.
Certes, quand les gens sortent de chez eux, ce n’est pas tellement
mieux : on estime que la pollution atmosphérique tue 1 million de
personnes par an dans les pays pauvres. Presque 7 % de tous les décès
dans le monde en développement sont dus à la pollution de l’air. Ce
chiffre est cent fois supérieur à celui des morts causées par les
inondations, la sécheresse, les vagues de chaleur et les tempêtes.
Le deuxième problème est l’absence d’eau potable et de système
sanitaire. Environ 7 % des morts dans les pays en voie de développement
résultent de l’absence d’eau potable, de système sanitaire et d’hygiène.
Ce qui représente environ 3 millions de morts par an.
Paradoxalement, le troisième grand problème d’environnement est la
pauvreté. En effet, pour les plus de 1 milliard d’individus qui
subsistent avec moins de 1,25 dollar par jour, s’occuper de questions
écologiques est un luxe inaccessible.
Il faut une vraie croissance verte
A cause de la pauvreté, des populations défavorisées entières ont
moins à manger, ont moins accès à l’éducation et sont davantage exposées
aux maladies infectieuses. Si elles étaient moins pauvres, elles
pourraient satisfaire les besoins immédiats de leurs familles, comme la
nourriture, l’eau potable et l’éducation. Et elles pourraient alors se
permettre de prendre soin de leur environnement. Bref, aider les gens à
sortir de la pauvreté est ce qu’on peut faire de mieux pour notre
planète.
Nous devons reprendre possession de ce rendez-vous pour la Terre.
L’environnement est d’une importance capitale : nous avons intérêt à en
prendre soin intelligemment. Autrement dit, il faut dire non aux
protocoles de Kyoto. Dire non aux biocarburants destructeurs de forêts
et source de famines. Ce qu’il faut, c’est mettre l’accent sur la
recherche et le développement afin de s’attaquer au réchauffement
planétaire. Mais cela suppose avant tout d’investir intelligemment en
vue de résoudre les problèmes les plus pressants, et surtout de
s’attaquer à la pauvreté par des moyens qui ne soient pas seulement
gratifiants pour les donateurs.
Certes, l’énergie solaire est parfois le meilleur moyen de fournir de
l’électricité à des populations très éloignées. Mais pour la plupart
des 1,6 milliard d’individus qui vivent sans électricité, on devrait
opter pour une solution éprouvée, simple et bon marché : les raccorder à
des générateurs ou à des centrales, qui, comme les nôtres, fonctionnent
principalement à base d’énergies fossiles. Pour ces gens-là, dès que le
soleil a disparu derrière l’horizon, tout s’éteint. Pourquoi
devraient-ils utiliser des technologies plus chères, moins fiables et
bien moins puissantes que celles dont nous disposons ?
Une économie vraiment verte et durable ne saurait voir le jour sans
une vraie croissance et un vrai développement, propres à arracher
davantage de gens à la pauvreté et à leur permettre, le moment venu, de
prendre par eux-mêmes des décisions responsables en matière de
développement.
En juin, à Rio, on va beaucoup parler d’agriculture bio, de voitures
électriques et d’énergie solaire. Les participants feront assaut de
bonne volonté. Mais les solutions évoquées seront de fausses solutions
et les problèmes abordés ne seront pas les plus importants. Pour que
l’avenir ressemble à ce que nous voulons, nous devons revenir à
l’essentiel. Nous devons miser sur ce qui marche.
Bjørn Lomborg
http://www.courrierinternational.co...
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