mardi 19 juin 2012

A propos du Sommet Rio + 20

Vingt ans après le Sommet de l'ONU dit "Sommet de la Terre" à Rio de Janeiro, un nouveau sommet bilan aura lieu du 20 au 22 juin 2012. Ce sommet bilan est couramment nommé Rio + 20. En réalité, il s'agit de la Conférence des Nations Unies pour le Développement durable.

Pour avoir plus d'informations sur Rio + 20, vous pouvez vous rendre sur le portail électronique dédié à l'événement : Rio+20

Voici un article publié sur le site internet de "France Amérique latine", rédigé le 12 juin à propos de Rio +20. Il s'agit du compte-rendu de la vision d'un écologiste danois, Bjørn Lomborg, très perplexe à l'égard de ce sommet des Nations Unies.

Sommet sans ambition pour planète en perdition

 

Selon l’« écologiste sceptique » Bjørn Lomborg, pour sauver la planète il faut d’abord éradiquer la pauvreté. Et, pour ce faire, on doit recourir aux énergies fossiles. Un véritable pied de nez aux instances onusiennes à la veille du sommet de Rio.
Le prochain sommet vert des Nations unies à Rio de Janeiro est très mal parti. Les planificateurs de cet événement gigantesque restent incapables de s’entendre sur le texte du document final, alors même qu’il a pour titre : « L’Avenir que nous voulons ». Ce n’est pas gagné. Depuis une quarantaine d’années, les préoccupations de l’ONU en matière d’écologie se sont rapprochées des impératifs des riches occidentaux, s’éloignant à mesure des attentes légitimes de la très grande majorité de nos contemporains.
Le réchauffement de la planète est une réalité. Brûler des carburants fossiles produit du C02, un gaz à effet de serre qui réchauffe la Terre. Les conséquences de ce phénomène peuvent être soit positives, soit négatives, suivant l’endroit où vous vivez. Il entraînera davantage de morts en raison de la chaleur excessive, mais une moindre mortalité à cause du froid. Au Canada, au Danemark et en Russie, un réchauffement modéré devrait apporter globalement une amélioration, tandis que, sous les tropiques, même une petite hausse des températures sera sans doute néfaste. D’une manière générale, vers la fin de ce siècle, ce phénomène aura des effets négatifs.
L’échec de la stratégie des bonnes intentions
La civilisation moderne, dans presque toutes ses composantes, est alimentée par les carburants fossiles. Tout le problème est là. Comment le monde pourrait-il se passer de ces énergies fossiles sans trouver une énergie de substitution bon marché ? N’oublions pas ce que le sommet de Rio, en 1992, a produit de plus important : la convention-cadre sur le changement climatique, laquelle a débouché sur le protocole de Kyoto (1997). Face au réchauffement planétaire, la stratégie de Rio était typiquement onusienne : négocions un traité pétri de bonnes intentions et voyons s’il suffira à résoudre un problème insoluble. Comme il fallait s’y attendre, il n’en a rien été.
Fondamentalement, le protocole de Kyoto a demandé aux pays en développement de réduire leurs émissions de C02 soit par une diminution de la consommation, soit par l’utilisation d’une énergie plus verte, plus onéreuse. Les modèles économiques montrent que, s’il avait été intégralement mis en œuvre, l’accord de Kyoto aurait coûté à la planète environ 180 milliards de dollars [143 milliards d’euros] par an en perte de croissance du PIB. Pourtant, on n’en attendait qu’une baisse minime de la température, de l’ordre de 0,004 degré d’ici à la fin du siècle. Comme on pouvait le prévoir, les différents pays soit ont rejeté le traité, soit ont accepté des changements mineurs. La diminution des émissions de C02 a été négligeable. Même l’Union européenne – partisan le plus enthousiaste du traité – s’est contentée de transférer une bonne partie de sa production industrielle (et les émissions de gaz à effet de serre qui en résultaient) vers des pays non couverts par le protocole de Kyoto, comme la Chine.
Toutefois, la stratégie de l’ONU est restée la même depuis lors. Elle n’a pas changé lors de la réunion catastrophique de Copenhague (2009), pas plus qu’au cours du vain rassemblement de Durban, en Afrique du Sud, l’année dernière. Et les mêmes grands principes vont être énoncés à Rio. On entend beaucoup de battage publicitaire autour des « solutions » antiréchauffement, comme l’énergie solaire et les biocarburants, mais ces technologies vertes ne sont pas encore la panacée. Tant que l’éolien et le solaire resteront plus chers que les énergies fossiles et qu’ils ne fonctionneront que par intermittence, ils ne contribueront pas pour une large part à notre approvisionnement énergétique.
L’eau et l’électricité, premières préoccupations du tiers-monde.
Pour enrayer le réchauffement planétaire, nous devons encourager l’innovation en matière de technologies vertes par un accroissement massif des investissements en recherche et développement (R&D). Nous n’arriverons à rien tant que nous ne produirons pas une énergie verte moins coûteuse que les carburants fossiles.
Mais ce qui est peut-être plus important encore, ce qui compte vraiment pour la plupart des gens, ce n’est ni le réchauffement planétaire ni les autres questions à l’ordre du jour de Rio+20. Il existe un décalage profond et inquiétant entre les puissants qui foulent les épais tapis des instances de l’ONU et les besoins de la majorité des habitants de la planète. Tandis que nous réfléchissons à des initiatives vertes, environ 900 millions d’êtres humains restent mal nourris, 1 milliard n’ont pas accès à l’eau potable, 2,6 milliards ne disposent pas d’un système sanitaire suffisant et 1,6 milliard vivent sans électricité. Voilà la réalité. Chaque année, enfin, environ 15 millions de décès – un quart de la mortalité annuelle totale – sont dus à des maladies que l’on pourrait soigner facilement, pour des sommes dérisoires.
Quels sont les trois plus importants problèmes environnementaux pour les pays en développement ? Quand on leur pose cette question, la plupart des habitants des pays riches répondent à côté. Le réchauffement planétaire ne fait pas partie de ces problèmes – même si l’on prend en compte les morts causés par les inondations, la sécheresse, les vagues de chaleur et les tempêtes. A l’heure actuelle, dans le monde en développement, seul 0,06 % de la totalité des décès est la conséquence de ces extrêmes climatiques.
Dans le monde développé, peu de gens savent que la pollution de l’air à l’intérieur des habitations est le problème d’environnement qui fait les plus grands ravages dans les pays en développement. Se chauffer ou s’éclairer d’une simple pression sur un interrupteur nous paraît aller de soi. Mais, dans le tiers-monde, 3 milliards d’êtres humains n’ont pas d’autre solution que d’utiliser des combustibles comme du carton ou des déjections animales pour faire la cuisine ou essayer de réchauffer leurs habitations. La mortalité annuelle due à l’inhalation de la fumée de ces feux atteint au moins 1,4 million de morts – ce chiffre est sans doute plus proche de 2 millions –, la plupart des victimes étant des femmes et des enfants. Quand on alimente le feu de sa cuisine avec des résidus de cultures et du bois, la qualité de l’air à l’intérieur des habitations peut être dix fois plus mauvaise que celle de l’air extérieur, y compris dans les villes les plus polluées du tiers-monde. Certes, quand les gens sortent de chez eux, ce n’est pas tellement mieux : on estime que la pollution atmosphérique tue 1 million de personnes par an dans les pays pauvres. Presque 7 % de tous les décès dans le monde en développement sont dus à la pollution de l’air. Ce chiffre est cent fois supérieur à celui des morts causées par les inondations, la sécheresse, les vagues de chaleur et les tempêtes.
Le deuxième problème est l’absence d’eau potable et de système sanitaire. Environ 7 % des morts dans les pays en voie de développement résultent de l’absence d’eau potable, de système sanitaire et d’hygiène. Ce qui représente environ 3 millions de morts par an. Paradoxalement, le troisième grand problème d’environnement est la pauvreté. En effet, pour les plus de 1 milliard d’individus qui subsistent avec moins de 1,25 dollar par jour, s’occuper de questions écologiques est un luxe inaccessible.
Il faut une vraie croissance verte
A cause de la pauvreté, des populations défavorisées entières ont moins à manger, ont moins accès à l’éducation et sont davantage exposées aux maladies infectieuses. Si elles étaient moins pauvres, elles pourraient satisfaire les besoins immédiats de leurs familles, comme la nourriture, l’eau potable et l’éducation. Et elles pourraient alors se permettre de prendre soin de leur environnement. Bref, aider les gens à sortir de la pauvreté est ce qu’on peut faire de mieux pour notre planète.
Nous devons reprendre possession de ce rendez-vous pour la Terre. L’environnement est d’une importance capitale : nous avons intérêt à en prendre soin intelligemment. Autrement dit, il faut dire non aux protocoles de Kyoto. Dire non aux biocarburants destructeurs de forêts et source de famines. Ce qu’il faut, c’est mettre l’accent sur la recherche et le développement afin de s’attaquer au réchauffement planétaire. Mais cela suppose avant tout d’investir intelligemment en vue de résoudre les problèmes les plus pressants, et surtout de s’attaquer à la pauvreté par des moyens qui ne soient pas seulement gratifiants pour les donateurs.
Certes, l’énergie solaire est parfois le meilleur moyen de fournir de l’électricité à des populations très éloignées. Mais pour la plupart des 1,6 milliard d’individus qui vivent sans électricité, on devrait opter pour une solution éprouvée, simple et bon marché : les raccorder à des générateurs ou à des centrales, qui, comme les nôtres, fonctionnent principalement à base d’énergies fossiles. Pour ces gens-là, dès que le soleil a disparu derrière l’horizon, tout s’éteint. Pourquoi devraient-ils utiliser des technologies plus chères, moins fiables et bien moins puissantes que celles dont nous disposons ?
Une économie vraiment verte et durable ne saurait voir le jour sans une vraie croissance et un vrai développement, propres à arracher davantage de gens à la pauvreté et à leur permettre, le moment venu, de prendre par eux-mêmes des décisions responsables en matière de développement.
En juin, à Rio, on va beaucoup parler d’agriculture bio, de voitures électriques et d’énergie solaire. Les participants feront assaut de bonne volonté. Mais les solutions évoquées seront de fausses solutions et les problèmes abordés ne seront pas les plus importants. Pour que l’avenir ressemble à ce que nous voulons, nous devons revenir à l’essentiel. Nous devons miser sur ce qui marche.
 

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